On parle souvent du rôle du téléphone portable dans le développement en Afrique, pour des campagnes de santé publique, pour le commerce et l’agriculture ainsi que pour l’accès à des comptes en banque mobiles. Les premiers billets de ce blog traitent de ces sujets à travers notamment la présentation de notre ouvrage Mythologie du portable.
Il est un aspect également important à mettre en avant dans l’usage du téléphone portable sur le continent africain, c’est le rôle qu’il joue dans l’appropriation et la créations d’images ou de musique. Appropriation et création qui mettent en jeu des pratiques de transfert entre différents supports mobiles dans lequel le téléphone portable occupe une place centrale, tenant lieu le plus souvent de plate-forme d’échange. Echanges à la fois au sens symbolique par l’écoute collective de « bons sons » qu’il permet de diffuser mais aussi matérielle à travers les transferts musicaux via les cartes SD ou la technologie bluethooth qu’il rend possible.
Cette culture du transfert peut être encore concrètement appréhendée grâce cet objet musical non identifié réalisé par l’ethnomusicologue rebelle comme il aime à se présenter, Christopher Kirkley aka @sahelsounds, à partir des titres qu’enregistrent et que s’échangent les habitants du Sahara au Mali sur leurs téléphones portables. Ce disque résulte d’un travail de collecte et constitue une première trace de ces pratiques de transferts musicaux où se mélangent les genres, de Bollywood au Raï Algérien en passant par la chanson française. Mais il propose également des créations originales de groupes locaux mixées à ces enregistrements mobiles réalisés avec les moyens du bord dans cette région désertique où le téléphone mobile est vital et fait office de baladeur, disque dur en plus des fonctions ordinaires de communication.
Pour appréhender d’autres pratiques de création et de diffusion de la musique via le téléphone portable, on peut encore se plonger dans cette étude de terrain au coeur d’un bidonville de Nairobi au Kenya. Les auteurs y listent notamment toutes les fonctionnalités du mobile utilisées et appréciées par les musiciens et amateurs locaux : le Bluetooth et l’infrarouge pour partager et distribuer la musique, l’enregistrement audio, la vidéo pour créer leurs clips, l’appareil photo pour les repérages de lieux où filmer les vidéos, les composeurs pour les basses et la batterie, les batteries longue durée et une grande capacité de mémoire pour archiver leurs créations ou télécharger des fichiers musicaux. Cette ethnographie de la création musicale informelle documentée à travers le rôle essentiel joué par le téléphone portable propose in fine une réflexion sur l’avenir d’une industrie musicale en Afrique.